Portrait sensible
Paradoxe et liberté
Il y a chez Yvon Chartrand des paradoxes saisissants, non pas qu’il y ait là du hasard, de la nonchalance, ou une maturité encore incertaine. Tout au contraire; l’art d’Yvon est une liberté affirmée, un affranchissement consumé, une rigueur consentie dans la paix.
Sur certaines de ses toiles, là où on s’y attend le moins, un détour de son esprit facétieux se découvre. Une étincelle de vie aussi vive qu’un rayon de soleil en novembre, qu’un rire d’enfant dans la rue, qu’une motocyclette qui démarre pendant que Vivaldi égrène l’été. Une conjugaison improbable entre la perfection d’une rose et un soulier de tissus, un après-midi de canicule et le bruit des glaçons.
Qu’on ne se laisse donc pas tromper devant une de ses compositions : bien sûr, le regard soupire, repu, en contemplant l’exquise simplicité d’un bouquet, le naturel d’un drapé, la majesté d’un reflet, la souplesse d’un pétale. L’âme s’envole soudain légère et parfumée, le cœur s’émeut doucement à la rencontre d’un souvenir, d’une impression fugitive, d’un plaisir intime. On se prendrait alors à croire en l’innocence, au printemps perpétuel….
Mais il y a plus que cela, si Yvon rend hommage à la beauté simple, il signe surtout l’aveu de ce qui lui est cher : l’appartenance à un monde de valeurs que nous ont transmises les maîtres et l’histoire, la profonde croyance que l’évidence est le fruit d’un travail acharné, d’un effort humble et inspiré, d’une recherche permanente du dépassement. À travers chaque toile trois siècles vous observent, plus riches qu’un recueil, et plus complexes qu’un compliment.
Clignez des yeux un instant et observez les paradoxes qui apparaissent alors :
l'immortalité de l’œuvre et la fragilité du moment, la maîtrise absolue et l’humour du message, la spontanéité du plaisir et l’intensité du propos, la permanence et la futilité, l’éternité et le jour qui s’achève.
Natures mortes ou silencieuses? Paradoxes subtils et délicieux qu’Yvon porte comme un charme et qui le rendent si précieux.
Caroline Levasseur. 16 janvier 2012